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Photo du rédacteurXav Harel

Rencontre avec Carolane Arsenault: Une forêt nourricière au cœur du festival Danse de la Tortue




Voici une version abrégée d'une entrevue qui a été effectuée avec Carolane Arsenault, co-fondatrice de Danse de la Tortue et co-directrice de REVE nourricier. Vous pouvez consulter l'entrevue originale sur le blog de Xav Harel.


Xav: Salut Caro, ça va bien?


Carolane: Oui, ça va bien toi?


Ouais. Tu peux commencer par te présenter.


Oui, moi c’est Carolane Arsenault. Je suis à la co-direction générale de l’organisme REVE nourricier à Sherbrooke en agriculture urbaine et j’ai aussi fondé la Danse de la Tortue en 2017 avec Cédric Bissonnette et Pierre Gilbert. Marjorie aussi, elle était là avec Julien Clot de SymbiOse AlimenTerre. On était tous autour de la table. Mais je dirais que je suis quand même un des piliers central du projet. Là, le projet vient de déménager de lieu, donc il est chez moi et Marjorie. J’ai acheté une terre aussi pour continuer à aller plus loin dans cette direction-là.


Et c’est quoi la Danse de la Tortue?


La Danse de la Tortue, c’est un rassemblement en forêt. On passe quatre jours en camping, puis on est en immersion dans les arts. Il y a tous les arts: cirque, danse, théâtre, musique. Il y a aussi des animations plus déambulatoires ou pour les enfants.


Donc, c’est un festival intergénérationnel. Une célébration, on peut dire aussi. C’est aussi un espace sécuritaire pour que les gens puissent tisser des liens entre eux et adresser la transition socio-écologique, mais de manière un peu créative. On est exposé à des arts, donc ça nous inspire et ça ouvre nos cœurs.


Il y a aussi plein de petits endroits en forêt pour connecter. On peut se rassembler autour des feux, on peut s’asseoir, on s’arrange pour qu’il y ait des espaces de connexion. Donc, ça fait qu’on peut se retrouver avec des gens qui partagent les mêmes valeurs que nous ou qui viennent de d’autres horizons, mais qui regardent dans la même direction que nous. On finit par se rendre compte que la communauté alternative est plus grande qu’on le pense. C’est ça le moteur qu’il y a derrière ce rassemblement-là.


[...]


C’est quoi ton but dans le fait d’organiser un festival comme ça?


Je le fais parce que ça m’amuse, comme une muse. C’est poétique. Certains peignent, d’autres écrivent des chansons, moi, je crée des rassemblements. C’est mon art, une expression de mon intérieur et de ce que je veux voir dans le monde.


Ça me fait du bien de penser qu’on se rapproche du monde dans lequel j’aimerais vivre, et je sais que ça a un impact sur les gens. Ils me racontent les changements dans leur vie, et ça, c’est motivant. Mais au fond, je le fais parce que ça me fait du bien.





J’aime le fait que tu dises que c’est ton art. Donc ton art, dans le fond, c’est de faire du design d’interactions humaines?


Oui, on peut dire ça. Je joue avec les espaces et les interactions, en mettant le festivalier ou la festivalière au cœur de l’expérience. C’est le chemin que je prends. Quand j’ai commencé avec Basse Culture, je disais que le monde était des «spectres acteurs», pas juste des spectateurs. Tout le monde a un rôle à jouer.


Et moi, c’est comme si je faisais de la culture, que je faisais pousser des communautés d’humains. Quand j’ai créé la Danse de la Tortue en 2016, il y avait une montée de mauvaises drogues dans les festivals, avec des ambulances et parfois des morts. Ça n’avait aucun sens pour moi. Je voulais créer un espace plus sécuritaire, où on peut se libérer, se découvrir, mais dans un cadre intergénérationnel et sain. Parce qu’on a besoin de tout le monde, et la vie est intergénérationnelle.


Donc, est-ce que tu penses que ça peut aider à la transformation de notre société, de faire des festivals dans ce genre-là? Tu m’as dit la dernière fois que vous alliez planter une forêt nourricière? J’aimerais ça que tu me parles un peu de cet aspect du festival, de la relation entre l’humain et la nature.


Depuis la première danse, on a mis en place une initiative pour améliorer notre relation à la nature et réduire l’impact écologique du festival. Contrairement à des gros événements comme Shambhala ou Burning Man qui laissent une grosse empreinte, on voulait un rassemblement plus respectueux. Alors, on a demandé aux participants de donner 10¢ par kilomètre parcouru pour replanter des arbres afin de compenser pour les émissions de carbone. C’est une contribution volontaire, et les gens adorent ça.


Depuis trois ans, on plante les arbres avec REVE nourricier, une entreprise sociale spécialisée en agriculture urbaine, forêts nourricières, et infrastructures vertes, dont je fais partie. L’argent qu’on collecte sert à créer une forêt nourricière sur le site de la Danse de la Tortue.


Cette année, on a un nouveau site, donc première plantation. Chaque année, on plante avec les gens pour faire grandir cette future forêt, et un jour, on va récolter les fruits ensemble. Comme le festival se déroule pendant les récoltes, ça va devenir un moment fort.


On plante des espèces d’arbres avec différents cycles, donc il y aura toujours quelque chose à récolter. On passe l’année à préparer ça et le festival permet à tout le monde de profiter de l’abondance qu’on aura créée ensemble. Le but, c’est pas juste de nourrir tout le monde, mais d’inspirer à faire des actions qui génèrent de l’abondance, qui embellissent nos vies, et qui nous reconnectent avec la terre. Je pense que de participer à un projet comme ça, ça peut vraiment changer la vie de quelqu’un.





Tu parles souvent de l’importance de la relation avec le vivant. Peux-tu m’en dire plus?


Je pense que tout ce qui est autour de nous est vivant, avec une mémoire, et on a une relation avec ça. Quand t’es en camping, en pleine forêt, tes sens s’aiguisent. Tu remarques la petite mousse, le champignon, l’arbre, ou même quand il n’y a plus d’eau pour laver la vaisselle, tu te rends compte combien c’est long d’aller en chercher. Ça te force à ralentir, à vraiment voir la valeur des choses, à te reconnecter avec la nature, et ça, c’est transformationnel.


Être immergé dans un environnement plus sauvage, plus lent, ça nous rappelle comment on vivait avant, quand tout le monde faisait son pain, avait un jardin, quand tout prenait du temps. Ça réveille des instincts, des mémoires enfouies. Tu réalises tout le travail que ça demande juste pour faire du feu ou monter un tipi. On est tellement détachés du vivant, qu’on oublie d’où viennent les choses qu’on consomme.


Et puis, on est responsables de nos déchets ici, y’a pas de poubelles. Ça te fait prendre conscience de chaque déchet que tu crées. On est encore loin d’être vraiment connectés à ça, mais peut-être que dans 20 ans, on sera plus près d’une vraie responsabilité écologique.




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